Terre Odysséenne en vue

Voici déjà plusieurs semaines que le galion a quitté mon pays. Mais aujourd'hui enfin, la vigie a crié ce mot que nous attendions tous : "TERRE !". J'ai donc décidé qu'il s'agissait du meilleur moment pour débuter ce nouveau journal intime. Le précedent est maintenant loin derrière moi. Toutes ses pages ont été tournées et seules de nouvelles méritent à ce jour d'être écrites.

Lorsque je me retourne depuis le pont, ce n'est plus qu'une étendue d'eau qui nous fait parfois croire que derrière l'infini, il y a quelque chose que nous atteindrons demain. Plusieurs semaines à redouter la prochaine tempête ou à échapper aux regards pleins d'envie des marins. Eux qui disaient qu'une femme à bord portait malheur ! Un peu d'argent et il ne reste des grands discours que la vulgarité.

Oui, aujourd'hui est un grand jour pour moi. Une nouvelle vie plus que nécessaire s'ouvre à moi, bras grands ouverts. Rester là-bas devenait trop dangereux. Un jour ils m'auraient eu. Cette fois-ci je dois me montrer plus prudente. Je dois m'intégrer avant tout et l'on me laissera tranquille.

Mais en attendant, je vais profiter des rayons de soleil. Les embruns venant fouetter mon visage m'apportent une douce sensation que je ne ressentirai pas de si tôt. Leurs soi-disantes traditions m'ont fait payer bien trop cher cette traversée, et ce n'est pas avec vingt malheureuses petites pièces que je pourrais quitter cet endroit. Saletés de marins. Au moins le plus fort en tête a payé. Il commençait à m'énerver celui-la. Une chance que son grand ami l'ait poignardé. Le pauvre... jeté aux requins le jour même. C'est dommage, il m'avait rendu un bien grand service.

Il n'y a plus qu'à patienter... Une longue nuit ne va pas tarder à tomber. Demain il sera trop tard pour que le vent caresse mon visage, entremêlé de la chaleur du soleil et de fines gouttelettes. Alors je vais abandonner l'écriture et profiter...